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    Regina Rosenberg

    Morte en 1919 à Doubovka, en Russie

    par Timothy Keiderling

    mardi, le 4 mai 2021
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    En mars 1881, le tsar Alexandre II de Russie traversait Saint-Pétersbourg dans son carrosse, protégé par des cosaques en armes. Comme son escorte s’apprêtait à tourner au coin d'une rue, une bombe destinée à l'assassiner explosa. Indemne, le tsar sauta du carrosse pour s'approcher des hommes qui avaient été blessés. Dans le tumulte, quelqu'un demanda au tsar Alexandre s'il avait du mal. Il répondit : Dieu merci, je suis sain et sauf. L'assassin, Ignacy Hryniewiecki, membre de l'organisation révolutionnaire Narodnaïa Volya (« Volonté du peuple »), constatant que le tsar était à découvert, s'écria : Il est trop tôt pour remercier Dieu ! Et il lança une seconde bombe. Le tsar fut tué par l'explosion. 

    Le terroriste mourut des blessures reçues dans la déflagration. Plusieurs de ses camarades révolutionnaires furent incarcérés peu après. Mais aux yeux de la population, ils n'étaient pas les seuls responsables de l'assassinat. Beaucoup de Russes, enclins à l'antisémitisme, rendaient la population juive du pays coupable de la mort du tsar. Cette haine sans fondement était alimentée par l’Église officielle : le procureur en chef de l’Église orthodoxe russe collaborait avec la police pour persécuter et prêcher contre les juifs russes.

    Un bain de sang s'ensuivit. Dans tout le sud de la Russie, des hommes, des femmes et des enfants juifs étaient massacrés par milliers. Rien qu'à Moscou, vingt mille juifs furent chassés de leurs maisons. Les prêtres orthodoxes diffamaient le peuple juif en répandant de vieilles rumeurs : les juifs tueraient les bébés, boiraient du sang, offriraient des chrétiens en sacrifices. En 1905, le gouvernement russe édita un document, le Protocole des sages de Sion, une prétendue conspiration juive destinée à renverser les gouvernements du monde entier. Ce document, un faux, était suffisamment crédible pour favoriser la multiplication de terribles pogroms et donner une base juridique à la persécution en vigueur contre les juifs de Russie. 

    Regina Rosenberg, une juive orthodoxe, grandissait dans ce contexte de violence et de peur. Tout naturellement, elle haïssait les chrétiens, cruels persécuteurs de son peuple. Cependant, ses parents voulaient lui donner une bonne éducation. Quand l'occasion se présenta, ils l'inscrivirent à contrecœur là où c'était le mieux : un lycée de la région tenu par des chrétiens.

    Regina se méfiait. Elle pensait que la Bible chrétienne était pleine de blasphèmes et de calomnies contre les juifs. Ainsi, quand une camarade de classe lui donna un Nouveau Testament, Regina s'attendait à y trouver d'horribles mensonges. Or en le lisant, elle réalisa que Jésus, Paul et les auteurs du Nouveau Testament étaient eux-mêmes juifs. Les histoires et les épîtres de la Bible chrétienne tenaient en grande estime Moïse et sa loi. 
    Cette amie chrétienne lui fit comprendre que les prêtres orthodoxes qui prêchaient des sermons remplis de haine contre les juifs ne représentaient pas le vrai christianisme. En étudiant le Nouveau Testament à la lumière des Écritures juives, en écoutant comment son amie parlait du véritable christianisme, Regina se mit à prier, à se repentir et à vouloir suivre Jésus. Elle était devenue chrétienne. 

    Sa famille fut consternée par sa conversion. Elle fit tout ce qu'elle put pour ramener Regina au judaïsme. Pour finir, quand la famille comprit qu'elle ne pouvait rien faire pour la détourner de sa nouvelle foi, ils la maudirent et la chassèrent de leur maison. Elle se retrouva à la rue. 

    Regina trouva refuge sous les ponts et dans les ruines des immeubles bombardés. La Grande Guerre, connue plus tard comme la Première Guerre mondiale, faisait rage autour d'elle. En Europe de l'est, le conflit touchait à sa fin. Mais l'Autriche-Hongrie avait envahi la Russie, et la guerre civile avait éclaté. L'Armée rouge des bolcheviques avait pris Saint-Pétersbourg au tsar et à son Armée blanche. 

    Comme Regina voyageait au milieu des foules déplacées par ces conflits, elle rencontra dans les rues de Kharkov Jakob et Tina Dyck. Jakob venait de Crimée et avait été éduqué parmi les mennonites. Il était objecteur de conscience au service militaire et avait accepté de servir comme non combattant dans un hôpital de l'armée. Ce qu'il avait expérimenté là avait renforcé dans son cœur le désir d’œuvrer pour la paix. Désormais, lui et sa femme Tina voyageaient dans toute la Russie et parlaient du Christ aux réfugiés. Regina avait de l'admiration pour ce couple. Elle décida de s'associer à leur travail. 

    Elle voyageait avec leur équipe dans un monde bouleversé par la guerre. Partout où ils s'arrêtaient – dans des camps, des villes, des bases militaires – ils tenaient des réunions d'évangélisation. Regina se lia d'amitié avec Tina Dyck et avec Louise Hubert Sukkau, une femme de la colonie mennonite de la rivière Molochna. Les effectifs du groupe augmentaient ou diminuaient. Souvent ils n'avaient plus à manger. Mais ils se consacraient à leur mission, travaillant et enseignant avec enthousiasme. Les mennonites allaient dans les hôpitaux. Ils apportaient du réconfort à des femmes russes dont les vies avaient été détruites. Ils prêchaient partout où ils trouvaient des oreilles attentives. 

    Mais dans le chaos qui suivit la guerre, des bandes pillardes d'anarchistes tiraient profit des villages ravagés par le conflit. Ils brûlaient, pillaient et massacraient. Voyager devenait extrêmement dangereux. En automne 1919, Jakob Dyck plaça le groupe devant un choix : ils pouvaient se rendre directement dans la colonie mennonite de Louise, près de la rivière Molochna, où ils trouveraient sécurité et refuge pour l'hiver ; ils pouvaient aussi continuer leur voyage, en s'arrêtant dans chaque village le long du chemin pour annoncer la bonne nouvelle du Christ. La seconde option augmentait considérablement leurs risques de tomber sur une bande de pillards. La décision fut unanime : ils s'arrêteraient dans les villages. 

    Le groupe se sépara en unités plus petites pour visiter plus efficacement les villes voisines. Regina, Jakob, trois frères et Louise allèrent à Doubovka, une ville qui ne comptait que quelques nouveaux chrétiens. Madame Peters, une veuve, accueillit la petite équipe de mennonites la première nuit. Le matin, elle prépara le petit-déjeuner. Mais avant qu'ils n'aient pu commencer à manger, une bande d'anarchistes pénétra dans la maison. Ils s'assirent silencieusement autour de la table avec les chrétiens. 

    Jakob rompit le silence en disant : « Nous allons vous servir le petit-déjeuner. Mais nous sommes croyants. Avant de manger, nous lisons la Bible et nous prions. » 
    Les anarchistes, munis de sabres et de ceintures de munitions, ne disaient pas un mot. Ils écoutaient Jakob lire un passage des Écritures. Quand vint le moment de prier, Regina et ses amis se levèrent. Les anarchistes firent de même, avec une surprenante courtoisie. 

    Après avoir mangé, les hôtes non invités demandèrent que Regina et son amie Louise dansent pour eux. Au lieu de cela, les deux femmes chantèrent. Pendant cette sérénade, la pièce se remplissait d'hommes armés, toujours plus nombreux. Elles s'arrêtèrent, et Jakob fit un longue prédication sur la paix du Christ. Enroué à force de parler, Madame Peters lui apporta deux œufs crus à gober pour apaiser sa gorge. Les anarchistes étaient fascinés. Certains hommes paraissaient touchés par les paroles de Jakob. Finalement, à midi, ils quittèrent la demeure de Madame Peters. 

    Sans se laisser décourager par la présence des anarchistes dans le village – et peut-être même encouragées par leurs réactions à la prédication de Jakob – Regina et Louise se rendirent à l'école du coin pour enseigner un groupe d'enfants. Jakob les suivit peu après, accompagné d'un autre missionnaire. L'instituteur et sa femme les accueillirent dans la salle de classe, et tous se mirent à genoux pour prier. 

    Entre-temps, une autre bande d'anarchistes fit irruption chez Madame Peters. Ils frappèrent au sol l'un des chrétiens qui restait, puis ordonnèrent à Madame Peters de panser ses blessures avec un drap déchiré. Ils forcèrent l'homme battu à laver son sang sur le sol, puis exigèrent qu'il les conduise à ses compagnons dans l'école. 

    – Qui vous a autorisés à tenir une réunion ici ? demanda le chef des anarchistes en entrant dans la salle de classe. 

    Ils firent s'aligner Regina, Louise et les hommes contre un mur. Horrifié par ce qui risquait d'arriver, l'instituteur supplia les anarchistes d'épargner aux enfants la vue d'une exécution sanglante. L'anarchiste acquiesça et emmena ses prisonniers dans une grange, de l'autre côté de la rue. 

    La femme de l'instituteur se précipita à une fenêtre, dans une autre salle de classe. Elle vit que Jakob, Regina et les autres obéissaient sans résister. Deux anarchistes frappèrent Jakob avec les crosses de leurs fusils, tandis qu'ils se couvrait le visage avec les mains. Puis le groupe disparut dans la grange. Plusieurs coups de feu retentirent. 

    Il y eut un long silence. Puis Regina apparut à la porte de la grange. L'un des anarchistes la suivait, la forçant à sortir. Par la fenêtre, la femme de l'instituteur vit remuer la bouche de Regina, mais elle ne put entendre ce que la jeune femme disait à son ravisseur. Regina ne cessait de montrer le ciel. L'anarchiste la ramena dans la grange. 

    Deux jours plus tard, Danilo Astachov et Andrey Epp, deux disciples de Jakob Dyck, arrivaient à Doubovka. Ils découvraient un charnier. Les maisons où ils entraient étaient pleines de cadavres – quatre-vingt-deux hommes, femmes et enfants au total, entassés par petits groupes. Pour finir, les deux hommes pénétrèrent dans la grange en face de l'école. 

    À l'intérieur, ils virent les corps dénudés et mutilés de Jakob Dyck et d'un autre homme. Plus loin, ils découvrirent le corps d'un autre de leurs amis, avec celui de Louise Sukkau. Près des autres, ils trouvèrent le corps de Regina Rosenberg. Sa gorge était tranchée et sa tête fendue, avec une blessure béante. Mais son corps n'était pas affaissé sur le sol comme les autres. Elle était encore à genoux, dans la posture de la prière.


    Cet article est extrait du livre Être temoin : Suivre le Christ jusqu'au martyre.

    Traduit de l'anglais par François Caudwell.

    Presenté par TimothyKeiderling Timothy Keiderling

    Timothy Keiderling étudie en vue d'une maîtrise en théologie à Princeton dans le New Jersey. Lui et sa femme sont membres des communautés du Bruderhof.

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