En 1933, madeleine delbrêl, vingt-neuf ans, emménage avec deux amies dans une maison d'Ivry-sur-Seine, en banlieue parisienne, foyer du communisme. Ils se sont voués à une vie de simplicité, de chasteté et d'évangélisation. Leur plan était, tout simplement, d'aimer leurs voisins – personnellement, affectueusement, pratiquement. Elle travaillait comme écrivaine et conférencière, et cherchait chaque jour à répondre à ceux que Dieu a mis devant elle pour les aimer et les servir.

Dans les rues d'Ivry, chrétiens et communistes s'affrontent ouvertement, mais la maison Delbrêl a une porte ouverte, un lieu d'hospitalité où toute personne, quel que soit son milieu, est accueillie et acceptée : « une minuscule cellule de l'Église, écrit Delbrêl, née en notre temps, faisant sa demeure en notre temps. »

Elle n'avait pas été élevée comme une chrétienne ; ses parents étaient des agnostiques à la mode. À dix-sept ans, elle a écrit un manifeste qui commence ainsi : « Dieu est mort... Vive la mort ! » Les Delbrêl organisent des fêtes somptueuses ; Madeleine divertit les invités avec des lectures. Elle a étudié la philosophie à la Sorbonne, dessiné ses propres vêtements et coupé ses cheveux courts. Elle s'est fiancée à un philosophe, un autre athée.

Puis les choses se sont effondrées. Ses parents se sont éloignés et son fiancé a rompu les fiançailles pour rejoindre un ordre dominicain. Bouleversées, les pensées de Madeleine retournèrent à la question de Dieu. « J'ai rencontré plusieurs chrétiens, écrit-elle, ni plus âgés, ni plus bêtes, ni plus idéalistes que moi ; en d'autres termes, ils ont vécu la même vie que moi, ils ont discuté autant que moi, ils ont dansé autant que moi. »

Et puis, « j'ai décidé de prier […] En lisant et en réfléchissant, j'ai trouvé Dieu ; mais en priant, j'ai cru que Dieu m'a trouvé et qu'il vit la réalité, et que nous pouvons l'aimer comme nous aimons une personne. »

Sa conversion a été concluante – « éblouissante », selon ses mots –, et, depuis l'âge de vingt ans jusqu'au jour de sa mort, elle n'a jamais cessé d'être « accablée par Dieu ».

Bien qu'elle ait maintenant rejeté l'analyse matérielle marxiste du monde, elle a refusé de rejeter les communistes eux-mêmes. « S'il y a des femmes chrétiennes dont les maris ou les enfants... sont communistes, écrit-elle, elles les aiment d'un amour que Dieu fait sien. Pour les aimer, ils n'ont pas besoin d'accepter la carte du Parti qui déclare leur opposition à Dieu... Mais en refusant leur carte, ces femmes ne sont pas obligées de nier leur chair, leur cœur, leur affection. »

Madeleine Delbrêl est décédée en travaillant à son bureau à Ivry-sur-Seine le 13 octobre 1964 d'une hémorragie cérébrale, deux semaines avant son soixantième anniversaire. En 2018, le Pape François la déclare « vénérable », la mettant sur la voie de la canonisation comme sainte. 

« Il y a des gens, écrivit-elle un jour, que Dieu démolit et sépare. Il y en a d'autres qu'il laisse dans la foule, des gens qu'il ne « retire pas du monde… Ils adorent la porte qui donne sur la rue… Nous, les gens ordinaires des rues, nous croyons de toutes nos forces que cette rue, ce monde, où Dieu nous a placés, est notre lieu de sainteté. »

Œuvre de Jason Landsel


Traduit de l'anglais par Allen Page