Il y a des secrets que Dieu seul, en son grand amour, puisse connaître. Le mystère de la repentance est un de ces secrets. Dostoïevski exprime ceci avec force dans son roman Les Frères Karamazov, au travers du Père Zossima, personnage qui nous rappelle le Christ.

Père Zossima avait déjà remarqué dans la foule deux yeux brillants, qui le fixaient. Une jeune femme paysanne qui semblait malade et exténuée, bien que très jeune, le contemplait en silence. Ses yeux l’imploraient, mais elle n’osait pas approcher.

« Qu’y a-t-il, mon enfant ?

–Absous mon âme, mon Père, dit-elle très bas, et, tombant sur les genoux à ses pieds, « J’ai péché, mon père. J’ai peur de mon péché. »

Le Père s’assit sur la marche, et la jeune femme s’approcha sur les genoux.

« Je suis veuve depuis trois ans, dit-elle, très bas, en tremblant. Ma vie a été dure avec mon mari. Il était vieux. Il me battait souvent, cruellement. Il gisait là, malade ; j’ai pensé, en le contemplant, s’il allait se lever...

–Ne dis plus rien ! dit le Père, mettant un doigt sur ses lèvres. La femme continua, en chuchotant, presque impossible à entendre. Elle a bientôt fini.

–Et, il y a trois ans de ceci ? demanda le Père.

–Trois ans. D’abord, je n’y ai plus pensé, mais maintenant que je suis malade, la pensée ne me quitte pas.

–Venez-vous de très loin ?

–De 300 kilomètres.

–Est-ce que vous l’avez confessé ?

–Oui. Je l’aie confessé deux fois.

–Avez-vous été acceptée à la confession ?

–Oui. J’ai peur de mourir.

–Ne craignez rien ; n’ayez aucun souci. Si seulement votre pénitence est vraie, Dieu pardonne tout. Il n’y a aucun péché, et il ne peut y avoir de péché sur toute la terre, que le Seigneur ne puisse pardonner à celui qui se repente sérieusement ! On ne peut pas commettre un péché si grand, qu’il puisse épuiser l’amour infini de Dieu. Y aurait-il un péché qui puisse dépasser l’amour de Dieu ? Pensez seulement au repentir, repentir continu, mais renvoyez votre crainte. Croyez à l’amour de Dieu pour vous, amour incroyable ; qu’Il vous aime avec votre péché, en votre péché. On a même entendu dire, qu’il y a plus de joie au ciel, sur la conversion d’un pécheur qui se repente, que sur dix personnes vertueuses.

» N’ayez aucune crainte. Ne soyez pas dur avec vos semblables. Ne soyez pas fâché, si vous subissez du tort. Pardonnez aux morts les torts que vous avez reçus. Soyez réconciliés avec eux, en toute vérité. Si vous êtes pénitents, vous aimez. Si vous aimez, vous appartenez à Dieu. Tout est expié, tout est sauvé, par l’amour. Si, moi, un pécheur, comme vous, soit tendre avec vous, et aie pitié de vous, combien plus le sera notre Dieu ! L’amour est un tel trésor précieux, qu’il puisse sauver le monde entier, et expier, non seulement vos péchés, mais les péchés des autres aussi. »


Image: L'anachorète par Franciszek Ejsmond (Wikimedia Commons)