Je considère l'Avent de cette année avec plus d'intensité et d'anticipation que jamais. Lorsque je vais d'un mur à l'autre dans ma cellule, les mains menottées, un destin incertain devant moi, je comprends alors tout autrement les anciennes promesses de la Venue du Seigneur, qui vient nous racheter, et, nous libérer.

Ceci me rappelle la statuette de l'ange que m'a donné une aimable personne, il y a deux ans ; sur cette statuette, il y avait cette inscription : « Réjouissez-vous, car le Seigneur est proche. » L'ange fut détruit par une bombe. Une bombe a tué ce brave homme qui me l'avait donné, et il me semble souvent qu'il me fait le service d'un ange.

Nous ne pourrions supporter la terreur de ces temps — de même que la terreur, que nous prépare notre situation sur terre, si nous la comprenons — si ce n'était cette autre conscience des promesses faîtes au milieu de ces horreurs, qui nous encouragent, et qui nous exhortent; et de savoir que les anges doux de l'Annonciation, qui nous envoient leur message de bénédiction dans notre angoisse, et sèment leurs graines bénies qui germeront plus tard dans la nuit. Ce ne sont pas encore les joyeux anges de l'accomplissement des promesses, ces anges de l'Avent. Comme anciennement, ils s'approchent en silence de nos chambres et de nos cœurs. Ils nous apportent les questions de Dieu, et nous annoncent les miracles de Dieu, avec Lequel rien n'est impossible.

L'Avent est, malgré tout le sérieux de la situation, un temps de sûreté, car il a reçu un message. Hélas, si nous ne savons plus rien du message et des promesses, si nous ne vivons plus qu'entre les quatre murs de notre prison, si nous ne voyons que le gris du ciel par la fenêtre grillée de notre cachot et si nous ne percevons pas les pas légers des anges annonciateurs — si leur murmure n'ébranle pas notre âme, tout en nous soulevant — et bien alors, nous sommes perdus. Alors, nous perdons notre temps et nous sommes morts, bien avant que quoi que ce soit nous arrive.

La première chose que l'homme doit faire s'il veut vivre, c'est de croire en le grain d'or de Dieu que les anges ont parsemé, et qu'ils offrent encore aux cœurs ouverts. La seconde chose, c'est de passer par ces jours gris soi-même, comme un messager annonciateur. Il y a tant de courage à être renforcé, tant de désespoir à être réconforté, tant de dureté nécessitant un geste tendre et une explication éclaircissante, tant de solitude qui attend la délivrance, tellement de malheur et de douleur qui recherchent un sens. Les messagers de Dieu savent ce qui est la bénédiction que le Seigneur a envoyé, même en cette heure historique. Ils attendent, avec la certitude de la foi, la fertilité de la terre silencieuse et l'abondance de la récolte à venir, c'est-à-dire en ce monde, ce monde de l'Avent. Attendre avec foi, non pas parce que nous avons confiance en la terre ou en notre étoile, ou en nous-mêmes, mais uniquement parce que nous avons discerné les messages de Dieu, et nous avons rencontré un de ces anges annonciateurs.


Alfred Friedrich Delp, jésuite allemand opposé au régime national-socialiste, est né le 15 septembre 1907 à Mannheim et mort le 2 février 1945, décapité à la prison de Berlin-Plötzensee.