L'esprit du Christ traduit l'amour de Dieu au service d'amour divin au prochain. Qui sert les pauvres, les démunis, et les opprimés, sert le Christ lui-même, car Dieu est près d'eux. Etre aimé par Dieu, signifie aimer Dieu et son prochain : la communauté avec Dieu devient communauté l'un avec l'autre. Vivre en attente du royaume façonne la vie et le service dans l'église et unit les croyants dans une volonté commune. La vraie communauté et un dévouement commun sont les résultats positifs quand on résiste l'époque actuelle.

Une telle union dans l'Esprit n'a pas besoin de formes. Même dans la première époque, les anciens et les diacres nécessaires à chaque communauté gardèrent les tâches qui leur étaient assignées, tout en acceptant aussi les dons de grâce donnés par l'Esprit. Bien que les voyages incessants des apôtres et des prophètes contribuaient à renforcer l'unité entre les communautés, la constatation de leur unité fut créée uniquement par le seul Dieu, un seul Seigneur, un seul Esprit, une seule foi, un seul baptême, un seul corps et âme offerts à tous.

Par l'Esprit, cette unité s'est réalisée par une égalité qui était enracinée uniquement en Dieu. De même que tout humain est universellement aliéné de Dieu, ainsi l'Esprit confère son don divin également et totalement sur tous. Ceux qui sont saisis par Dieu voient toute inégalité comme une puissante motivation de devenir frères et sœurs dans l'amour parfait. Les premiers chrétiens étaient des « frères » et « sœurs », parce qu'ils étaient unis par l'Esprit unique. Ils étaient « consacrés », « saints », « élus » et « croyants ». La même indigence et culpabilité les rendait tous « pauvres ». Dans les premiers temps, on les traitait de « pauvres » parce qu'on considérait leur croyance en Dieu et leur attitude envers les biens temporels comme de la pauvreté. (1)

Du fait que les premiers chrétiens reconnaissaient leur égalité dans la pauvreté et dans la grâce, leur message était simple, et atteignait le criminel le plus pervers ainsi que l'ouvrier ou l'esclave le plus inculte. Il invitait chacun à recevoir une guérison complète. A l'esprit le plus profond, c'était une révélation définitive. Le dévoilement des mystères de Dieu est un don conféré avec une clarté simple. Jésus-Christ révèle Dieu. En révélant sa nature, Jésus est médecin pour les malades ainsi que pour les pécheurs.

Celui qui reçoit son Esprit et est renouvelé en vertu de cette renaissance devient libre et ferme, radieux et serein — investi d'un pouvoir qui rend possible ce qui est le plus difficile et même impossible. (2) Dans son désir de voir le retour de ces temps anciens, Origène s'écrie :

« O, que le Seigneur Jésus mette sa main sur nos yeux aussi, afin que nous commencions, nous aussi, à appréhender non pas le visible, mais l'invisible ! O, qu'l ouvre nos yeux aussi, pour que nous puissions percevoir non pas les choses du présent, mais les choses de l'avenir ! Oh, qu'il dévoile à nous aussi cette vision du cœur qui perçoit Dieu dans l'Esprit par lui, le Seigneur Jésus Christ. » (3)

Les chrétiens de cette époque étaient « des adorateurs de Dieu et de la Parole ». Saisis par l'Esprit dans le tréfonds de leurs êtres, ils recevaient leur orientation vers l'avenir. Leur foi expérimentait les profondeurs de Dieu, et donc l'accomplissement de « l'impossible » était à l'origine de leur force. Même les païens (comme cité ici par Macaire Magnes) virent que c'était ce que l'Église exigeait : « Seuls ceux avec une foi comme un grain de moutarde, une foi qui peut accomplir l'impossible, peuvent être comptés parmi cette fraternité de croyants. » (4)


Notes

1. A. Harnack, The Mission and Expansion of Christianity in the First Three Centuries, ci-après dénommé Harnack TA (Traduction anglaise), vol. I, pp. 401 et suiv. Il souligne que, selon l'Ancien Testament, « les pauvres » étaient une désignation de distinction. Plus tard, il s'appliquait à la secte judéo-chrétienne étroite des Ebionites, « ceux qui sont appelés à la pauvreté ».

2. Ici (A Donat 4) Cyprien glorifie l'Esprit qui remue librement, qui ne peut pas être contraint par des barrières ou des limites, mais afflue sans cesse dans une exubérance riche — tant que le cœur en a soif et y est ouvert.

3. Origène, Homélie XV sur la Genèse VIII, cité par A. Harnack, Die Mission und Ausbreitung des Christentums ersten drei in den Jahrhunderten, vol. 1, p. 220.

4. Macaire Magnes, Apocriticus III.17, Porphyre Fragment n° 95 dans l'édition de Harnack. Comparer le témoin de Cyprien après sa conversion (A Donat 4): « Tout à coup, d'une manière merveilleuse, ce qui avait été douteux est devenu certain, ce qui avait été fermé s'ouvrait devant moi, ce qui avait été sombre devenait lumineux ; ce qui semblait difficile maintenant s'avérait être facile, ce qui semblait impossible, possible. »


Cet article est extrait du livre Le témoignage des premiers chrétiens, Plough.