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    Christophe Blumhardt

    ChristophFriedrichBlumhardt2

    Christophe Blumhardt naquit à Möttlingen, en Souabe, le 2 août 1842, l'année du Réveil, qui précéda la grande victoire gagnée par son père sur les puissances du mal.

    Celui-ci était lui-même d'une famille de pasteurs, car l'on trouve dans l'Encyclopédie Universelle le nom de son oncle Christian Blumhardt, né en 1772 et pasteur à Stuttgart.

    Le grand-père de Christophe avait été boulanger, puis mouleur en bois ; d'une famille de petite bourgeoisie de Stuttgart, il avait épousé Jeanne Louise, fille du maître tailleur Ch. Deckinger le 16 juillet 1805 ; de cette union naquit le père de Christophe. A douze ans le grand-père Blumhardt avait déjà lu la Bible deux fois d'un bout à l'autre ; très préoccupé par les prophéties il disait plus tard à ses enfants : « Mes enfants, faites-vous plutôt couper la tête que de renier le nom de Jésus ».  Voir la biographie complète

    Il n'est donc pas étonnant que Christophe Blumhardt, le troisième du nom, élevé dans de telles idées, ayant bu à la source les vrais principes et la vraie foi, ayant participé toujours à côté de son père, à tous les événements religieux qui se déroulaient dans le petit village de Möttlingen, ayant vu de ses yeux les malades guéris par la prière et les miracles de la foi efficace, il n'est pas étonnant que notre Blumhardt fût merveilleusement préparé pour la mission à laquelle Dieu le destinait.

    La renommée de Blumhardt père commença en 1841 avec une guérison miraculeuse. Une jeune fille, Gottliebin Dittus, était atteinte d'un mal étrange ; des crises nerveuses la secouaient, elle se trouvait la proie de toutes sortes d'agitations mystérieuses : des bruits inexplicables se faisaient entendre dans la chambre où elle habitait, son sommeil était troublé d'apparitions fantastiques. Tous les docteurs de la région avaient été consultés ; d'autres étaient venus de loin pour étudier cette maladie inconnue, mais aucun n'avait trouvé de remède ; ils avaient été obligés de se déclarer impuissants.

    Il fallut chercher autre chose et on appela le pasteur Blumhardt.

    Celui-ci, qui avait été mis au courant de ces événements, vint voir la malade, et après avoir assisté à une crise de convul­sions terribles, acquit la conviction qu'il se trouvait en présen­ce de manifestations des puissances du Mal. Dès lors, sentant la science impuissante et inutile, il eut recours à la prière seule pour vaincre le démon. Il lutta pendant deux ans d'une lutte ardente; enfin, au nom de Jésus, la malade guérit. Cette manifestation réelle du Sauveur, cette puissante victoire de Jésus-Christ, fut comme une grande lumière jetée sur le monde; les incrédules se convertirent en foule ; du plus loin, on venait chercher le salut à Möttlingen. Les miracles se multipliaient et les guérisons devenaient de plus en plus nombreuses, mais bientôt l'affluence devint si considérable que la petite église de Möttlingen devint trop étroite. Blumhardt fut obligé d'aban­donner la paroisse où tant d'événements chers à son cœur s'étaient passés ; il chercha un endroit d'où il pourrait mieux répandre les dons que Dieu avait mis en lui. C'est alors que Dieu le conduisit à Bad Boll.

    Boll était connu depuis bien longtemps pour ses eaux bienfaisantes ; le roi Guillaume ier y avait fait construire en 1823 des bains importants ; situé tout près de Göppingen, dans le Wurtemberg, Boll était facilement accessible. Blumhardt eut une entrevue avec le roi Guillaume ; le souverain lui exprima le désir de le voir se fixer définitivement dans la région et se consacrer au service de sa petite patrie ; il lui promit de lui faciliter sa nouvelle institution.

    Bad Boll était à vendre pour 25.000 florins ; Blumhardt n'avait pas d'argent ; un Français[1] lui avança les 8.000 florins qui étaient nécessaires à l'achat, et Blumhardt devint proprié­taire de Boll au cours de l'été 1852. Il s'y transporta avec toute sa famille et la petite communauté de Möttlingen en y apportant le même esprit et la même foi.

    Quand J. C. Blumhardt père mourut, en février 1880, c'est à Christophe seul que revint la tâche de poursuivre l'œuvre commencée à Möttlingen, quarante ans plus tôt. Avant de mourir, son père lui imposa les mains en lui disant: « Je te bénis pour la victoire ».

    Tout imprégné de cette foi, Christophe Blumhardt continua la tâche paternelle. Dans les premiers temps il eut de durs combats à soutenir avec ses frères qui prétendaient qu'il n'était pas assez doué intellectuellement pour assumer une charge aussi lourde, mais là encore la volonté de Dieu se manifesta de telle sorte que Christophe put dire de lui-même plus tard : « Je suis moi-même un miracle ». Vers l'âge de 30 ans, il sentit un jour la vie s'éveiller en lui ; alors que tout lui parais­sait difficile et sombre, tout lui parut soudain facile et limpide ; une sorte de révélation lui fut donnée par laquelle il comprit ce qu'allait être sa tâche et en son âme, un souffle semblable à celui qui animait les apôtres, passa. « Dieu a voulu faire quelque chose de moi, disait-il, et puisqu'il l'a voulu, il faut que cela soit, malgré toutes les difficultés et les obstacles ». Ceux-ci toujours plus forts surgirent presque immédiatement pour entraver son œuvre. Mais on dut bientôt reconnaître que les dons et les vertus du père se retrouvaient entiers dans le fils.

    Bad Boll qui avait paru si grand au début devint à son tour insuffisant. Il fallut étendre et développer l'établissement. Les gens venaient par milliers chercher à Boll la guérison morale ou physique, et arrivaient de partout, courbés par les épreuves, les souffrances et les soucis, et s'en retournaient le cœur déchargé des poids divers mais également lourds qu'il y avaient apportés, réconfortés, guéris ou non, mais ayant toujours retrouvé le courage de vivre.

    Par dessus tout, ils emportaient une foi joyeuse en Jésus- Christ.

    Christophe Blumhardt était un homme de progrès : il apporta à Boll tous les perfectionnements de la science car il était persuadé que par elle, Dieu parle aussi à notre temps. L'exploitation fut conduite avec les méthodes les plus nouvelles, et bientôt la petite terre que Dieu avait assignée à son peuple put se suffire à elle-même. Une atmosphère d'amour chrétien régnait et l'on se disait tout de suite en arrivant : « On vit ici vraiment pour Dieu et son règne ». C'est que tout le monde était accueilli à Boll avec un véritable amour fraternel, sans distinction de classe, de nationalité, de race, de religion même. L'amour de Dieu dominait dans tous les cœurs et chacun se sentait membre d'une nouvelle grande famille.

    Blumhardt voyait dans toutes les manifestations du monde la preuve de l'amour vivant de Jésus, de la présence réelle du Sauveur. Le fondement essentiel de Boll, le but unique de Blumhardt, c'est le retour de Jésus-Christ et la venue du Royaume de Dieu sur la terre, la réalisation sur cette terre même du Royaume de Dieu par des hommes en tant qu'individualités guidées par l'Esprit. Et pour que cette espé­rance se réalise, il faut des gens qui attendent et qui prient pour attirer sur la terre toutes les forces dont Jésus a besoin pour son avènement.

    Aussi Blumhardt essayait-il de discerner dans les mouve­ments sociaux ce qui, consciemment ou non, pouvait aider à l'avènement du Royaume de Dieu. Avec la foi des prophètes, il croyait que même les païens pouvaient être des serviteurs de Dieu, convaincu que Dieu aime tous les hommes du même amour, et que ceux qui ont pour idéal la justice et la paix sur la terre, ceux-là sont aussi des serviteurs de la cause de Dieu.

    En 1900, il se tourna vers les ouvriers, vers le peuple et fut élu, presque malgré lui, député au Landtag Wurtembergeois où pendant six ans il exerça son influence, mais il ne se laissa plus réélire. Fatigué par les luttes des dernières années qu'il eut à y soutenir, il résolut d'aller en Palestine. Atteint de la malaria, il revint à Boll. Il fut aidé dans sa lourde tâche par la sœur Anna de Sprewitz, qui le secondait en tout. Sentant ses forces l'abandonner de plus en plus, il se retira dans la propriété de Wieseneck que la sœur Anna avait acquise dans le petit village de Jebenhausen pour y fonder un asile pour les enfants du village. Mais il n'en continua pas moins pendant de longues années à se rendre plusieurs fois par semaine à Boll et à y prêcher la venue du Seigneur Jésus.

    L'élévation de son esprit, la noblesse de son âme, l'absolue pureté de sa foi et son désintéressement lui permirent de conci­lier, pendant les dures années de la grande guerre, l'amour qu'il avait pour sa patrie en même temps que son amour pour tous les autres hommes. Les souffrances qui accablaient le monde lui semblaient la préparation nécessaire à la Victoire de Jésus et il leur opposait sa vivante espérance dans le Royau­me de Dieu. La révolution de 1918 en Allemagne, lui parut une des dernières convulsions d'un monde ancien condamné à faire place à un monde nouveau, et ne fit qu'affermir son espérance ; « Il faut, disait-il, que quelque chose meure, pour que quelque chose renaisse. Il faut mourir à soi-même pour que Jésus vive ».

    A la suite de plusieurs attaques d'apoplexie, il fut forcé d'abandonner peu à peu son activité, laissant à des collabora­teurs dévoués le soin de continuer son œuvre.

    Il passa les derniers jours de sa vie à Wieseneck, gardant au cœur, comme son père, la certitude de la prochaine venue du Royaume de Dieu, et s'efforçant d'amener cette conviction au cœur de ceux qui l'entouraient.

    Le 2 août 1919, il mourut dans une paix absolue.

    Après sa mort, les héritiers de Blumhardt transmirent la communauté de Boll aux frères Moraves, qui ont accepté la mission de continuer l'œuvre des Blumhardt. Cette colonie fondée en mars 1457 était toute indiquée pour en prendre la suite, Blumhardt et Zinzendorf, le fondateur de la nouvelle église morave, ayant cette parfaite analogie d'une confiance unique et absolue dans le retour réel de Jésus-Christ, promis par les Ecritures.

    La sœur Anna avait puissamment aidé à cette transmission ; elle espérait que les deux courants d'eau vive, créés par ces deux hommes de Dieu, se réunissant en un seul deviendrait un large fleuve et que ce fleuve, alimenté encore par les différentes sources éparses le long du chemin irriguerait et fertiliserait à la fin toutes les nations sous le commandement de Jésus-Christ.

    Le Royaume auquel Blumhardt travailla toute sa vie n'était pas un royaume idéal, reculé dans les profondeurs de l'au-delà, qui ne nous serait sensible qu'après notre mort, mais un Royau­me avec Dieu à sa tête dans le Ciel et Jésus-Christ, son Chef sur la terre, un royaume pris dans la conception la plus litté­rale du mot, où direction et gouvernement appartiendraient à Dieu dans toutes les choses de la vie des hommes.

    Blumhardt attendait une révélation de ce royaume de Dieu par une irruption des forces célestes dans le monde terrestre, réveillant en celui-ci les germes divins qui y sommeillaient. Il annonçait avec puissance le Dieu vivant, le Dieu venu « en chair » et son action réelle dans le présent et dans l'avenir. Et si sa conviction était si forte, si sa parole avait tant de puissance, c'est qu'il s'appuyait sur des faits réels prouvant l'action vivante de Jésus-Christ dans la chair et sur la matière, faits d'expériences qu'il avait réellement vues et senties. A Möttlingen puis à Bad Boll, Jésus-Christ ressuscité avait manifesté sa présence et y avait été vainqueur ; pendant des années entières on avait pu dire : « Dieu le fait ! Dieu seul ! » Ce n'était plus une simple phrase qu'on murmure avec foi peut-être, mais qu'on oublie en rentrant dans la vie, c'était la pensée de chaque heure, de chaque minute. Dieu était en tout et partout, non comme une abstraction vide de sens réel, mais comme une présence vivante fortifiante. La présence animatrice de toutes les actions de Jésus-Christ sur la croix, ainsi que le voyait Zinzendorf, se trouvait agrandie, rendue plus efficace par Jésus-Christ ressuscité, qui était surtout la conception de Blumhardt. Car Jésus en croix laisse leurs souffrances à ceux qui n'ont pas la foi, mais Jésus ressuscité délivre tous les hommes. Les deux conceptions de Zinzendorf et de Blumhardt se superposaient, se doublaient en quelque sorte, pour une victoire réelle, productive dans le renoncement à soi-même, et il ajoutait que la délivrance viendrait.

    Le plus grand enseignement de Blumhardt, c'était de ne pas garder la religion dans son cœur seulement, mais d'amener sa foi dans les actes de la vie journalière ; il ne suffit pas de donner à Dieu une place d'honneur en dehors de la vie réelle, il faut honorer Dieu afin qu'il soit glorifié dans les plus petites choses et accomplir ces choses en son nom ; celui qui amène Dieu dans toutes les actions de sa vie, et qui sait, dans toutes ses actions, se faire uniquement le serviteur de Dieu, en dehors des préjugés et des superstitions de toute espèce qui encom­brent encore le monde ancien, celui qui, pratiquement, soumet sa vie à Ses commandements et à Sa volonté, celui-là contribue à la venue du Royaume de Dieu et à la création du monde nouveau voulu par Lui.

    L'accomplissement de la promesse peut tarder, car le Seigneur veut sauver tous les hommes, et c'est pourquoi il attend pour chacun la libération et est obligé d'attendre que l'homme la veuille et l'accepte.

    La caractéristique de Blumhardt était sa grande bonté et sa tolérance pour tous. Il excusait toujours quand on était de bonne foi et jamais il n'essaya d'imposer ni ses vues ni ses croyances. Les différences de confession et de religion n'étaient pas des obstacles pour lui, il tendait la main à tous ceux qui voulaient servir loyalement le Sauveur. Quiconque avait le cœur honnête pouvait compter sur sa sympathie, sur son amour, et il aidait quiconque venait à lui dans cet esprit. Ce sentiment provenait naturellement du précepte de « ne pas juger » qui a fait le thème de plusieurs de ses sermons ; il le mettait sans cesse en pratique : « Ne juge pas », à Dieu seul appartient le jugement, « prie, ne juge pas ».

    Il ne faut pas « être acteur soi-même » mais laisser le ciel s'ouvrir à son moment, et le disciple doit rendre témoignage qu'il peut s'ouvrir. Le disciple de Jésus doit porter en son cœur les péchés, les fautes et la misère des hommes, prier pour eux, prier à leur place s'ils ne savent le faire, avoir toujours en lui la parole : « Et moi je vous ai dit de vous aimer les uns les autres et de vous entr'aimer comme je vous ai aimés ». Et comment un tel disciple ne pratiquerait-il pas le pardon des offenses ? Le pardon des péchés était pour Blumhardt l'arme lumineuse avec laquelle il combattait et arrivait à vaincre. Et parce qu'il pratiquait ce pardon dans le véritable esprit de Dieu, parce qu'il savait toujours comprendre, ainsi qu'il l'a dit des prophètes auxquels l'Esprit de Dieu « était accordé non pour deviner l'avenir », mais pour comprendre « le présent », Blumhardt arrivait jusqu'au fond du cœur des hommes et savait réveiller dans ce cœur, sous les péchés et la gangue du monde, la pure flamme de l'amour divin. Sa seule arme était le Pardon, sa devise: Servir, aimer les autres.

    Un autre grand principe de Blumhardt était l'ordre; il commençait par l'ordre matériel : faire l'ordre dans sa maison, l'ordre matériel devait régner d'abord, l'ordre chez soi, en soi, ensuite l'ordre autour de soi, dans son pays avant de comman­der chez les autres. Et enfin l'ordre moral commandé par la justice.

    Comment arriverais-tu à l'ordre suprême que demande Dieu si tu ne savais pas ordonner ta propre vie, si dans ta propre vie le désordre règne ? Arrive à te vaincre en tout, dans les petites et les grandes choses, que la discipline règle tes actions, discipline envers toi plus qu'envers les autres : « que chacun s'occupe de soi-même, quand l'ordre régnera en chacun il régnera en tous » ; ainsi tu dois bannir la colère, comme contraire à l'esprit de Dieu, et la révolte, comme contraire à son Royaume. Occupe-toi de ta propre perfection, Dieu amélio­rera les autres.

    Mais ce qui faisait le fond même de son enseignement, c'était la croyance en la présence réelle du Seigneur parmi nous : Jésus est venu en chair pour sauver tous les hommes, et c'est dans la chair qu'il est aussi ressuscité : Jésus vivant parmi nous, il faut que nous sentions cela et alors tout rentrera dans l'ordre voulu par Dieu.

    Blumhardt avait foi en une nouvelle effusion du Saint- Esprit, cette lumière divine qui délivre en arrachant aux hommes le bandeau qui couvre leurs yeux, lumière qui, comme l'éclair fend les nues en dissipant les brumes. L'humanité reste souverainement bonne, puisque c'est Dieu qui l'a créée, mais ce qui l'empêche de triompher dans le bien c'est qu'elle ne voit pas et ne peut pas voir, parce qu'elle ne veut pas se soumettre. Elle s'est laissé enchaîner par le mal qui la tenta. Combien de fois n'ai-je pas entendu Blumhardt comparer l'humanité à un arbre que les lianes enserrent de plus en plus, jusqu'à l'étouffer. L'humanité ne sait plus maintenant faire la diffé­rence entre le bien et le mal, elle a un bandeau sur les yeux, et c'est l'Esprit de Dieu qui lui rendra la lumière, quand elle se sera soumise de nouveau aux règles instituées par Dieu pour le monde créé par lui. C'est pourquoi il faut le prier de nous délivrer et vivre dans l'attente de cette nouvelle effusion, déjà proche peut-être, du Saint-Esprit qui après toutes les expérien­ces restées vaines ramènera l'homme à la soumission et à l'humilité ; et lui prouvant la vanité de ses forces sans Dieu lui permettra d'atteindre enfin le but voulu par Dieu. Car l'huma­nité a été créée, non pour la souffrance que l'homme engendra par la désobéissance, mais pour le bonheur de tous dans l'accomplissement de sa tâche, chacun à la place qu'il reçut pour servir au bien général.

    Blumhardt père avait jeté l'espérance comme on sème à l'automne un champ qui doit lever au printemps et produire sous le soleil d'été. Nous devons espérer que la moisson ne tardera pas à mûrir, cette moisson qui nourrira toute la terre. Mais il faut que la terre retrouve sa voie, la voie que Dieu lui a assignée afin que toutes ses richesses servent à le glorifier.

    Tout a été créé pour l'homme et l'homme doit jouir de tout ce qui a été fait pour lui, d'accord avec la loi, mais il doit servir Dieu et obéir à Dieu et non pas Dieu à lui; « ce fut sa plus grande faute de ne pas comprendre cela, et c'est pour le lui apprendre que Dieu a envoyé son fils dans le monde » qui lui appartient.

    « Je suis la lumière du monde », a dit Jésus; la lumière, la vérité et la vie.

    Donc, si nous voulons vivre, nous devons chercher notre vie dans la Vérité.

    Il y a plusieurs sortes de vérités : celle du monde, faite de conventions sociales, d'idées admises et de préjugés, dont l'intérêt (intérêt de classe ou d'individu, intérêt de sectes, de nations même) forme la base. Il y a aussi les vérités particuliè­res à chacun, qui varient suivant l'ambiance, les influences de milieux et qui ne sont bien souvent que le résultat d'habitu­des et la conséquence des désirs personnels que l'homme s'est créés et dans l'assouvissement desquels il a mis son bonheur. Toutes ces vérités spéciales influent sur l'homme et rendent son jugement imparfait, habitudes héréditaires, si vieilles déjà qu'elles faussent son entendement.

    Ne sait-on pas que le faux pli d'un chapeau le rend inutili­sable ? On a beau donner des coups de fer pour le redresser, le faux pli revient toujours. Et pourtant il s'agit là d'une matière morte, fabriquée par l'homme. Ainsi le mal, qui a existé et régné pendant des siècles, quoique terrassé maintenant, a laissé partout ses traces, semblables au mauvais pli du chapeau. Elles sont d'autant plus fortes et profondes qu'elles datent de plus loin. Il faudrait de nouveaux siècles pour les effacer si les forces de Dieu n'étaient pas cent mille fois plus puissantes que celles du mal. Mais la vérité de Dieu est immua­ble et éternelle.

    Les choses se modifient autour de nous, en nous ; les éléments de vérité qui font notre vie ne changent pas, ils progressent, augmentent, s'affirment, élargissent leurs ramifi­cations, comme le chêne puissant dont les branches montent vers le ciel tandis que ses racines s'étendent dans le sol.

    Quoi d'étonnant que cette vérité divine, tombant au milieu des vérités humaines, produise un bouleversement ? Il ne faut pas craindre les révolutions, les luttes forcées ; c'est la révolte de tout un monde, au milieu duquel une pierre a été jetée ou encore comme le frémissement- d'une fourmilière, l'eau d'un lac dont les remous iront, s'étendant indéfiniment, longtemps avant que le calme ne revienne.

    L'humanité dérangée par ce coup fortuit dans ses habitudes, habitudes du mal engendré depuis des siècles et dont elle souffre, s'agite éperdument.

    Et toutes ces forces jusque-là latentes viennent au jour, causes de désordre et de gêne.

    Mais elles existaient cachées, à l'abri, et l'on ne pouvait les déloger.

    Et voilà que Dieu, maître de tout, a jeté sa baguette ; il veut rénover le monde, il ne veut plus de la souffrance des humbles, ni de personne.

    Après nous avoir envoyé Jésus-Christ en chair et en os il y a deux mille ans, il est las d'attendre. Sa décision est irrévoca­ble. Cette fois le mal doit se soumettre. Mais Jésus est là, dans les cœurs ; il frappe à la porte de ceux qui veulent lui ouvrir, désirant se faire comprendre de ceux qui le cherchent et s'offrant pour ainsi dire à chacun, lui, le tout puissant qui peut commander à tout et à tous ! Il nous apporte sa lumière, celle de Dieu lui-même et en même temps la clairvoyance. Mais bien entendu il ne peut la distribuer que dans la limite où chacun aura été préparé d'abord.

    C'est pour avoir voulu atteindre le ciel en une fois que l'homme fut précipité à nouveau sur la terre. Dieu veut que la vérité devienne notre but unique et que nous aidions Sa venue en ouvrant la porte à tout ce qui est vrai, beau et bon, mais il le veut petit à petit, afin d'alléger nos souffrances.

    N'oublions pas que si le monde a été créé pour nous, nous n'en sommes pas moins créés pour en être les ouvriers, et que nous devons servir celui à qui il appartient, c'est-à-dire Dieu qui l'a fait selon des lois et un agencement que nous devons respecter ; tant que nous ne voudrons pas y soumettre nos lois à nous, ce sera la lutte, et par conséquent le désordre. Nous devons obéir comme l'enfant qui obéit à ses parents. Ils veillent sur lui et le comblent de leur sollicitude et de leurs bienfaits, mais ils ne peuvent rien pour celui qui se révolte.

    Dans cette idée que Blumhardt, sur la fin de sa vie, alors qu'il avait tout essayé dans le peuple et dans l'Eglise, peut-être un peu déçu du peu de foi qu'il avait trouvé chez ceux-là mêmes qui eussent dû être les mieux préparés pour obéir et porter la bonne nouvelle, et chez lesquels il n'avait rencontré qu'incompréhension (c'est-à-dire toujours prédominance de la volonté individuelle personnelle), c'est dans cette idée que Blumhardt développa dans un de ses beaux sermons extraits des paroles mêmes du Sauveur[2] : « Laissez venir à moi les petits enfants », qu'il nous montre les mères amener à Jésus ce qu'elles avaient de plus cher, leurs petits enfants, afin que lui-même les préparât à leur tâche future.

    C'est ainsi qu'il créa Wieseneck, avec cette garderie d'enfants où la mère était la sœur Anna, qui l'avait suivi en tout, fidèle compagne de sa vie et détentrice de ses plus profon­des pensées avec Dieu.

    Comme nous l'avons vu c'est elle aussi qui sut décider les héritiers de Blumhardt à donner à la communauté des Frères Moraves le legs de Boll pour porter au près et au loin la bonne nouvelle jusque dans tous les coins du monde. Aidons-les, leur tâche est ardue, à tout terminer selon la volonté de Dieu, en bons serviteurs fidèles.

    L'histoire du monde est cependant assez claire et instruc­tive avec ses révolutions sociales et religieuses et les boulever­sements de toutes sortes ; l'histoire même de la tour de Babel, fruit de l'orgueil insensé des hommes se retrouve à tous les temps ; la guerre de 1914 n'est-elle pas elle-même le fruit de cette volonté de prédominance des uns sur les autres et du défaut d'entente selon les lois de Jésus-Christ ?

    Quand les Moraves, sous leur chef Zinzendorf, dans un élan d'amour fraternel, bénéficièrent de l'effusion du Saint-Esprit qui leur apporta la lumière nécessaire et leur rendit la joie (1727) « en leur montrant le chemin », et quand plus tard, le 13 novembre 1741, alors que ne sachant plus que faire, ils décidèrent de n'obéir, même sur terre, qu'à la voix du seul divin maître, Jésus-Christ, n'y eut-il pas là aussi un miracle fait pour nous instruire et où nous puissions trouver l'espérance pour l'époque présente !

    Le monde se prolonge aussi bien dans le mal que dans le bien ; si nous nous estimons satisfaits ainsi, rien n'empêche que le mal continue aussi. Mais si nous voulons le bien, si quelques-uns au moins d'entre nous en ont assez et ne peuvent plus supporter le mal ni pour eux, ni pour les autres qu'ils voient souffrir autour d'eux (et Blumhardt tout le premier souffrit de la souffrance des autres), alors Dieu qui répondit à sa prière répondra de même à la nôtre.

    Mais pour cela, la prière sur les lèvres ne suffit pas ; nous ne pouvons raconter à Dieu des choses qui ne sont pas dans nos cœurs, car il voit au fond de nous et les paroles lui impor­tent peu ! Il veut une volonté ferme dans une aspiration profonde de tous les instants.

    Croyez-vous donc que ce don splendide du Saint-Esprit qui fut accordé aux Moraves le 13 août 1727 leur fût accordé sans qu'ils l'aient sollicité ardemment ? Peut-être eux-mêmes ne savaient-ils pas au juste ce qu'ils sollicitaient, mais ils voulaient quelque chose qui vint du Ciel, quelque chose qui les secourût dans leur grande misère ; ils s'étaient faits humbles « comme de petits enfants » selon le modèle de Jésus-Christ et leur cœur tout petit avait fait abstraction de leur volonté person­nelle, sauf pour demander à Jésus l'aide dont ils avaient besoin.

    Quand notre cœur à nous, dans la joie ou dans l'excès même de la misère — qui malheureusement nous amène plus sûrement à la soumission — sentira enfin ce que Dieu veut de lui, quand nous aurons renoncé au mal et que nous ne pourrons plus le supporter, alors, mais alors seulement notre Père juste et bon, certain qu'il sera écouté cette fois, nous répondra. Mais comme il veut que ce soit pour tout le monde et pour toujours, il attendra que notre prière soit sincère afin d'avoir la certitude que ne voulant plus le mal nous n'y retournerons plus. Pour être définitive la croix doit être levée par Jésus-Christ lui-même et ne le sera plus autrement.

    Jusque-là, les Ecritures nous ont prévenus, après une épreuve, une autre viendra, mais ce ne sera pas encore la dernière. Car il faut que la justice vienne et c'est notre Cœur qui doit changer ; alors les miracles que la souffrance aura rendus possibles reviendront !

    Chrétiens, quand comprendrez-vous ?

    « Seigneur, que votre volonté soit faite ».

    Armand Lederlin


    [1] Christophe Dieterlin

    [2] N° 17 du Livre de Lejeune : Christoph Blumhardt (Band 2) sur Marc X, vers 13 à 15, de mars 1890, sermon extrait des Vertrauliche Blatter.

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