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    Detail of Vineyards with a View of Auvers (1890) by Vincent van Gogh

    Heureux les pauvres

    par Eberhard Arnold

    jeudi, le 8 septembre 2016
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    On nous a dit de devenir des êtres droits et de nous consacrer avec droiture à tous les humains. Nous avons appris que Jésus-Christ et son sermon sur la montagne nous montrent de la manière la plus claire comment s’incarne cette humanité vraie. Il a été dit que l’amour est nécessaire, l’amour pour les autres. Et il a été dit que c’est parmi les enfants qu’on se sent le mieux, car leur amour est sans arrière-pensée.

    Si nous nous accordons sur ce qui caractérise l’humanité, la vraie, si nous nous accordons sur la manière de nous mettre au service de tous, et en particulier de ceux et celles qui sont dans le besoin, si nous nous accordons au sujet des paroles et de la vie de Jésus, si nous nous accordons sur ce que nous avons compris du caractère de Jésus dans le sermon sur la montagne, si nous partageons la conviction que l’amour est la seule puissance dont nous ayons besoin, si nous reconnaissons ensemble que cet amour vrai est présent dans l’esprit de l’enfance, nous n’avons pas besoin de nous poser la question : Qui est bon ? et : Quel esprit conduit à une telle vie ? Alors, nous nous rapprocherons de plus en plus les uns des autres lorsque nous nous parlerons.

    Lorsque le sermon sur la montagne s’est ouvert à moi, au moment de la fin de la première guerre mondiale, j’ai compris tant de choses qu’il m’est impossible de les résumer en quelques mots. Il vaut beaucoup mieux le lire soi-même. Et je serais heureux si chacun de nous, ce soir, le lisait entièrement.

    yards with a View of Auvers (1890) by Vincent van Gogh

    Vincent van Gogh, Vignes avec vue d'Auvers (1890)

    Mais j’aimerais dire plusieurs choses qui, à l’époque, m’ont impressionné et m’ont influencé si profondément qu’aujourd’hui encore j’y réfléchis jour et nuit. La justice, la bonté, le caractère social de l’amour dont parle Jésus dans le sermon sur la montagne est tout autre chose que la morale, la piété et les dogmes de tous les théologiens et de tous les moralistes. En quoi s’agit-il de quelque-chose de si différent ? Jésus le dit à l’aide des images de l’arbre, du sel, de la lumière et de la ville. Et lorsqu’il parle de l’arbre, de la lumière et de la ville, c’est de Dieu et de son Esprit qu’il parle. Si nous n’aimons pas le mot « Dieu », parlons plutôt de la lumière, de l’arbre ou du sel. Quelle est la force, dans l’arbre, qui produit des fruits ? Quelle étincelle, à l’intérieur de l’arbre, fait que chaque sorte d’arbre donne le fruit qui lui correspond ? D’où vient la force qui fait pousser ce fruit ?

    C’est dans ce contexte que Jésus avertit ses disciples : Prenez garde aux pharisiens et aux théologiens, prenez garde aux faux moralistes, méfiez-vous d’eux lorsque leurs actes ne correspondent pas à leurs paroles. On reconnait l’arbre à ses fruits. Et lorsque Jésus parle du sel, il dit à ceux qui lui sont proches en esprit : « Vous êtes le sel de la terre ! »

    De quoi parle Jésus quand il évoque le sel ? Il parle de l’être, du caractère, de l’essence, de l’élément « sel ». Vous ne voulez pas entendre parler de Dieu ? D’accord. Mais pensez à l’être, au caractère, à l’essence de ce qui peut sauver le monde. Il s’agit d’un élixir, mais pas d’un élixir diabolique. C’est le sel de la terre, le seul élément qui puisse transformer la pourriture et la destruction complète de la terre en nouvelle naissance de la terre.

    Quel est cet élément ? C’est ce que Jésus dit dès les premières paroles du sermon sur la montagne ; car ce qu’il dit sur le sel suit immédiatement ces premières paroles. Et là, Jésus dit à ses auditeurs comment ils sont s’ils ont l’Esprit de Jésus-Christ. Il leur dit comment ils sont s’ils appartiennent au royaume de Dieu qui vient, s’ils appartiennent à l’avenir de Dieu. Lisez-donc ce qui est écrit ! Il ne sert à rien que je vous le dise. Il faut que cela brûle dans votre cœur, que cela prenne vie, il faut que cela naisse en vous ; car c’est le cœur dont parle Jésus.

    Heureux ceux qui ont du cœur, heureux ceux qui sont capables d’aimer, heureux ceux qui créent partout l’unité, heureux ceux qui sont proches des pauvres, heureux ceux qui sont eux-mêmes aussi pauvres que des mendiants, heureux ceux qui se savent pauvres face à l’Esprit. Heureux ceux qui sont si pauvres qu’ils ont faim et soif. Heureux ceux qui ressentent cette faim et cette soif de justice, de la justice du cœur, de l’amour, de la paix, de l’unité, car ce sont les hommes et les femmes qui portent la souffrance du monde dans leur cœur, qui portent en eux-mêmes la misère du monde. Ce sont ceux qui ne pensent pas à eux-mêmes car leur cœur est tout entier tourné vers les autres.

    Et pourtant ils sont incompris et persécutés, car ils aiment la justice et qui ne participent pas à l’injustice. Et c’est parce qu’ils ne participent pas à l’injustice qu’ils sont le sel de la terre. Ils ne participent pas à l’injustice de Mammon, ils n’ont pas de fortune, pas de livret de caisse d’épargne, ils n’ont rien à la banque, ils n’ont pas investi dans des bâtiments et des champs. Ils n’ont pas de lieu où se replier quand la vie se fait plus dure. Ils n’ont pas de possessions. Ne vous amassez pas de trésors sur la terre, amassez bien plutôt un trésor fait d’amour. Que l’amour soit toute votre fortune pour que, où que vous alliez, vous trouviez des cœurs ouverts, parce-que vous apportez l’amour ! Vous serez confrontés à la haine, parce-que vous apportez la justice, vous serez persécutés et mis à mort, parce-que vous ne participez pas à l’injustice. Mais on vous accueillera avec amour dans des cabanes préparées pour vous et on vous y accueillera parce-que vous y apportez l’amour.

    Voilà en quoi consistent le trésor et la richesse. C’est votre trésor et votre richesse. Ainsi, vous serez libres de tout souci. Vous serez proches de la nature. Vous vivrez parmi les fleurs. Vous vivrez parmi les oiseaux. Et vous ne vous ferez plus de souci pour votre vêtement ou votre nourriture. Car vous êtes les camarades des oiseaux qui trouvent de quoi manger. Vous êtes les amis des fleurs qui sont mieux habillées que les humains les plus vaniteux.

    C’est cela, le caractère nouveau du sel, c’est cela, la lumière. Mais qu’est-ce que la lumière ?

    La lumière est source de clarté. Mais la lumière dont il est question ici n’est pas une lumière froide, c’est la lumière du feu de l’âtre ou de la lampe qui brille, c’est la lumière des flambeaux et c’est la chaude lumière qui rayonne des fenêtres des maisons communautaires. C’est la lumière de la vérité qui consiste dans l’amour, c’est la lumière de l’amour qui ne se réjouit que de la vérité, de la justice et de la pureté. Il ne s’agit pas d’une passion de l’âme moite et obscure, porteuse d’injustice. Il s’agit d’un amour lumineux, né de la foi, qui illumine tout de sa clarté. La lumière ressemble au sel : elle aussi se consume et brûle comme un flambeau ou une bougie.

    Et c’est pour cela que Jésus, qui proclame l’amour dans le sermon sur la montagne, y évoque l’adultère qui se manifeste déjà au niveau des pensées et des sentiments du cœur. L’adultère est la rupture d’une relation de fidélité, d’honnêteté, c’est la destruction d’une relation d’amour responsable. C’est pour cela que cela peut déjà arriver au niveau de la pensée et du cœur. L’efficacité de la lumière et du sel permet de surmonter de telles choses. C’est vrai aussi pour les paroles que se disent les humains les uns aux autres. Ils font des affirmations, des serments solennels pour qu’on les croie. Jésus dit : vous prouvez ainsi qu’on ne peut pas vous croire. Contentez-vous de dire oui ou non ! Soyez vrais !

    L’être humain pense devoir aimer ses amis qui lui rendent la pareille. Mais Jésus dit : l’amour que je vous donne est celui-ci : aimez vos ennemis ! Vous ne tuerez plus personne. Vous n’insulterez personne. Vous ne tuerez pas non plus les âmes et vous ne blesserez pas les cœurs ; car vous vivrez l’amour absolu et cet amour sera si absolu que vous ne ferez de procès à personne. Et si on veut prendre votre manteau, vous donnerez aussi votre chemise. Et si on vous demande une heure de travail, donnez-en deux. Et il en sera ainsi de toutes choses. Votre vie portera en elle-même une sorte de perfection même si vous n’êtes pas des saints.

    La perfection de votre vie sera le secret de votre vie : vous serez faible, vous ferez beaucoup d’erreurs, vous serez maladroits, car vous serez pauvres en esprit et vous aurez faim et soif de justice. Vous ne serez pas parfaits ; mais l’amour sera en vous et c’est là la porte et c’est là le chemin.

    Ce que vous désirez pour vous-mêmes, luttez pour que votre prochain puisse l’obtenir. Ce que vous attendez des autres, donnez-le-leur. C’est là le chemin.

    Ainsi, nous n’avons pas besoin de parler des aspects les plus profonds contenus dans le sermon sur la montagne : lorsque Jésus parle du Royaume de Dieu, du pardon des péchés, du nom saint de Dieu et de sa volonté, de la rédemption et de la libération de tout mal et du don du pain quotidien qui vient de Dieu, il se peut que nous ne comprenions pas tout cela.. Mais nous comprenons certainement ceci : il n’y a rien de plus grand que l’amour.. Il n’y a rien de plus vrai que l’amour, rien de plus réel que l’amour. Consacrons donc notre vie à l’amour et concluons l’alliance de l’amour !


    Extrait du livre SEL ET LUMIÈRE par Eberhard Arnold.

    Presenté par EberhardArnold2 Eberhard Arnold

    Eberhard Arnold (1883-1935), théologien, éducateur et écrivain allemand, fut le fondateur des communautés Bruderhof.

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